Ec 8, 11
Parce qu'une sentence contre les mauvaises actions ne s'exécute pas promptement, le cœur des fils de l'homme se remplit en eux du désir de faire le mal.
[1]
Job prit la parole et dit : [2]
Écoutez, écoutez mes paroles, Donnez-moi seulement cette consolation. [3]
Laissez-moi parler, je vous prie ; Et, quand j'aurai parlé, tu pourras te moquer. [4]
Est-ce contre un homme que se dirige ma plainte ? Et pourquoi mon âme ne serait-elle pas impatiente ? [5]
Regardez-moi, soyez étonnés, Et mettez la main sur la bouche. [6]
Quand j'y pense, cela m'épouvante, Et un tremblement saisit mon corps. [7]
Pourquoi les méchants vivent-ils ? Pourquoi les voit-on vieillir et accroître leur force ? [8]
Leur postérité s'affermit avec eux et en leur présence, Leurs rejetons prospèrent sous leurs yeux. [9]
Dans leurs maisons règne la paix, sans mélange de crainte ; La verge de Dieu ne vient pas les frapper. [10]
Leurs taureaux sont vigoureux et féconds, Leurs génisses conçoivent et n'avortent point. [11]
Ils laissent courir leurs enfants comme des brebis, Et les enfants prennent leurs ébats. [12]
Ils chantent au son du tambourin et de la harpe, Ils se réjouissent au son du chalumeau. [13]
Ils passent leurs jours dans le bonheur, Et ils descendent en un instant au séjour des morts. [14]
Ils disaient pourtant à Dieu : Retire-toi de nous ; Nous ne voulons pas connaître tes voies. [15]
Qu'est-ce que le Tout Puissant, pour que nous le servions ? Que gagnerions-nous à lui adresser nos prières ? [16]
Quoi donc ! ne sont-ils pas en possession du bonheur ? -Loin de moi le conseil des méchants ! [17]
Mais arrive-t-il souvent que leur lampe s'éteigne, Que la misère fonde sur eux, Que Dieu leur distribue leur part dans sa colère, [18]
Qu'ils soient comme la paille emportée par le vent, Comme la balle enlevée par le tourbillon ? [19]
Est-ce pour les fils que Dieu réserve le châtiment du père ? Mais c'est lui que Dieu devrait punir, pour qu'il le sente ; [20]
C'est lui qui devrait contempler sa propre ruine, C'est lui qui devrait boire la colère du Tout Puissant. [21]
Car, que lui importe sa maison après lui, Quand le nombre de ses mois est achevé ? [22]
Est-ce à Dieu qu'on donnera de la science, A lui qui gouverne les esprits célestes ? [23]
L'un meurt au sein du bien-être, De la paix et du bonheur, [24]
Les flancs chargés de graisse Et la moelle des os remplie de sève ; [25]
L'autre meurt, l'amertume dans l'âme, Sans avoir joui d'aucun bien. [26]
Et tous deux se couchent dans la poussière, Tous deux deviennent la pâture des vers. [27]
Je sais bien quelles sont vos pensées, Quels jugements iniques vous portez sur moi. [28]
Vous dites : Où est la maison de l'homme puissant ? Où est la tente qu'habitaient les impies ? [29]
Mais quoi ! n'avez-vous point interrogé les voyageurs, Et voulez-vous méconnaître ce qu'ils prouvent ? [30]
Au jour du malheur, le méchant est épargné ; Au jour de la colère, il échappe. [31]
Qui lui reproche en face sa conduite ? Qui lui rend ce qu'il a fait ? [32]
Il est porté dans un sépulcre, Et il veille encore sur sa tombe. [33]
Les mottes de la vallée lui sont légères ; Et tous après lui suivront la même voie, Comme une multitude l'a déjà suivie. [34]
Pourquoi donc m'offrir de vaines consolations ? Ce qui reste de vos réponses n'est que perfidie.